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Destination nowhere
5 août 2005

Qui sommes-nous?

Une amie m’a rendu récemment un livre que je lui avais prêté il y a plusieurs années (j’en ai profité pour lui rendre un livre qu’elle m’avait prêté il y a plusieurs années, j’ai d’ailleurs failli lui rendre le mien parce qu’entre temps, je me l’étais acheté et je ne m’en rappelais même plus… la différence est que le sien était dédicacé…). Bref, elle m’a rendu l’un des mes livres préférés « Notes d’un souterrain » de Dostoïevski, comme tout ce qui arrive dans la maison, il n’a pas été rangé immédiatement, il traîne sur mon bureau depuis plus d’une semaine et il m’envoie des signaux « feuillette moi, feuillette moi ».

Tout à l’heure, je me suis exécutée. Ce livre me semble être un condensé de ce que je suis. C’est sans doute pour ça que je l’aime autant. Je relisais quelques passages, j’étais d’accord. Je lisais le passage suivant qui disait qu’il ne pensait rien de ce qu’il avait « dit », je le pensais aussi. Ce qu’on a en commun, et sans doute ce que tous les Hommes ont en commun, c’est leur inconsistance. Ou peut-être que je me dis ça pour me rassurer. Moi, je pense toute chose et son contraire, c’est usant.

Je comprends trop bien ce qu’il veut dire par « je m’inventais des aventures, je m’inventais une vie, pour avoir vécu quand même, tant bien que mal. Que de fois il m’est arrivé –tenez, à titre d’exemple- ne serait-ce que de prendre la mouche, comme ça, sans raison, exprès ; et je le savais moi-même, que je l’avais prise pour rien, que je m’étais monté, mais on arrive à s’échauffer à tel point qu’à la fin, parole d’honneur, on se retrouve vexé pour de bon. Toute la vie, j’ai été poussé à me lancer dans des numéros de ce genre, si bien que j’ai fini par perdre tout empire sur moi-même. Et aussi, et même deux fois, j’ai voulu me forcer à tomber amoureux. C’est que j’ai souffert, messieurs, je vous l’assure. Au fond, on ne croit pas qu’on souffre, il y grouille même un peu d’ironie, mais on souffre quand même pour de bon, dans toutes les règles ».

Ce sont aussi les paroles de Camus qui raisonnent en moi « quand on a pas de caractère, il faut bien se donner une méthode »… Je suis comme ça. Je râle souvent, mais je ne suis pas VRAIMENT énervée, je ris souvent, mais je ne suis pas VRAIMENT heureuse, je pleurs souvent, mais je ne suis pas VRAIMENT malheureuse, je parle beaucoup mais je ne suis pas VRAIMENT en train de penser (d’ailleurs, ça s’entend :o). Et pourtant, j’arrive à me persuader de la seconde proposition. Les états internes découlent des états externes, et pas l’inverse, à l’intérieur, c’est le vide qu’il faut absolument combler pour avoir l’impression d’exister.

Bêtement, ça m’a fait repensé à hier soir, C. me demandait ce que je faisais, au juste, à la fac. A. lui a répondu, très justement « elle fait des études pour faire des études toute sa vie ». c’est vrai, j’ai confirmé. Et puis il a ajouté « j’ai des copains, c’est pareil, en fait, les gens qui veulent faire de la recherche donnent toujours les mêmes raisons, c’est pas vraiment pour faire progresser la société ». Là, j’étais plus vraiment d’accord. J’ai l’habitude de faire semblant (quand je suis seule avec moi-même) d’avoir quelques idéaux. Je fais aussi de la recherche parce que j’ai sincèrement envie de croire que j’ai envie de faire progresser la connaissance… est-ce la meilleure façon de le faire, sans doute que non, mais j’ai envie d’y croire, j’arrive parfois à m’en persuader. Et à d’autres moments, effectivement, je continue mes études pour en faire toute ma vie… c’est l’un de ces exemples où j’essaye de me persuader que je ne vise pas seulement à devenir quelqu’un d’improductif dans ce monde, même si au fond, je le pense tout aussi sincèrement d’autres jours (ou peut-être devrais je parler d’instants ?)… c'est valable pour tous les domaines de la vie...

L’amour, puisqu'il en parle, c'est pareil, j’y ai jamais vraiment cru mais j’ai déjà réussi à souffrir. Au fond, rien n’est pire que l’indifférence à tout alors on se force à éprouver des sentiments, des émotions, pour ressembler à la définition que l’on a l’habitude de donner de l’être humain. Après tout, c’est ce qui nous distingue des animaux, alors pourquoi s’en priver ?

Mais au fond, l’indifférence, s’il y avait au moins ça. Il y aurait un mot pour se décrire… là encore, je comprends trop bien Dostoïevski « si je ne faisais rien uniquement par paresse ! Mon Dieux, comme je me respecterais ! Je me respecterais, justement parce que je serais capable d’abriter au moins de la paresse ; je possèderais au moins un attribut en apparence positif, dont, moi aussi, je serais sûr : qui est-il ? Réponse : un paresseux ; mais ce serait diantrement agréable à entendre ! Donc je possède une définition positive, donc on peut dire quelque chose de moi « un paresseux ! »- mais voyons, c’est un titre, une mission, c’est une carrière ».

Le plus dur, c’est ça, on est même pas indifférents puisque parfois on se persuade qu’on est heureux ou malheureux, alors peut-être qu’on l’est vraiment ? alors on joue les indifférents comme on joue à éprouver des sentiments et il n’y a plus aucun mot pour se décrire. Comédien peut-être ? Si on peut pas mettre un mot sur ce qu’on est, on est rien. On est inconnus pour soi, c’est rassurant et terrifiant. Rassurant parce que même ce qui paraît terrifiant peut ne pas être vrai, terrifiant parce qu’on est pas sûr que ce qui est terrifiant soit faux.

Voilà ma prise de tête de la matinée, qui n’en est pas vraiment une, un semblant de prise de tête pour avoir l’impression d’en avoir une. Merci Dostoïevski !

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Commentaires
S
Tu m'as donné envie de lire cet auteur, incontournable, semble-t-il, de la littérature mondiale. Je lis en ce moment "Guerre et Paix" de Tolstoï, et je retrouve cette sorte de désenchantement dont tu parles, mais dans un cadre épique. Tout cela donne envie de les lire en tout cas.
R
Dostoïevski, précurseur du nouveau roman... Tout est dans l'introspection... Cela doit être bien ! (une ex prépa littéraire...)
B
tu en parles autrement, je dis souvent que les maux du corps sont dus aux maux de l'âme.
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